Lot 205

Lot 205

Description

LINE VAUTRIN (1913-1997). « Cactus ; grand format, vert, bleu » le modèle conçu vers [1958]. Rare miroir anciennement sorcière à double couronne. Le cercle central façon cordelière et le double rang à pointes en quinconce réalisés en Talosel brun-noir ; le fond exécuté en Talosel noir. Les pointes du premier rang recevant des parties en miroir, modelées et incrustées à chaud, au tain jaune-vert-anis ; les pointes du second rang recevant des parties en miroir, modelées et incrustées à chaud, au teint bleu (petits accidents et manques épars, miroir plat et dos en carton non d'origine). Années 1960. Signé Line VAUTRIN, à chaud à l'arrière du cadre. Diam. : 29,5 cm Bibliographie : Patrick Mauriès - Line Vautrin - Éditions La Promenade & Galerie Chastel Maréchal, Paris, 2004. Variante de couleurs et dimensions reproduit page 82 et décrit page 83 avec un détail photographique. Provenance : Succession X, Rennes. CE MIROIR SERA VISIBLE CHEZ L'EXPERT JUSQU'AU 24 MAI INCLUS Monsieur Emmanuel EYRAUD 27 rue Saint-Dominique 75007 Paris - Tél. +33.(0)6.07.83.43 - eyraud.expert@free.fr Line VAUTRIN : entre alchimie et objets décoratifs Figure majeure des arts décoratifs français de la seconde partie du XXe siècle, Line Vautrin (1913-1997) créa des objets de décoration et des bijoux d'une grande diversité, de nos jours très prisés par les collectionneurs et les décorateurs. Acquérant un savoir-faire auprès de son père, bronzier d'art, puis participant à l'Exposition Internationale de Paris en 1937, elle commercialisa très tôt ses oeuvres, notamment des boutons et aussi des objets en bronze doré, qui lui valurent un grand succès. Mais très vite, ses créations espiègles laissèrent la place à l'exploration d'une nouvelle matière et de nouveaux objets, parmi lesquels figurent ses célèbres miroirs. Au cours des années 1950 et 1960, Line Vautrin travailla à un nouveau procédé synthétique dont elle déposa le brevet et qu'elle baptisa Oforge, puis Talosel, en référence à son nom scientifique ; l'acétate de cellulose élaboré. Ce matériau, composé de plusieurs couches de résines superposées, collées avec de l'acétone et ensuite modelées et gaufrées sous l'influence d'une forte chaleur, servit alors de support à l'imagination de l'artiste. Elle s'amusa ainsi, dans un processus de création proche de la joaillerie, à incruster cette matière d'éclats de miroir ou de verre, donnant alors naissance aux miroirs ornés ; aujourd'hui indissociables de son travail. Il est vrai que Line Vautrin créa plus de 150 modèles de miroirs grâce aux possibilités que lui offrit le Talosel, et que ceux-ci forment une partie majeure de son corpus d'oeuvres - fait qui pose la question, et y répond en partie, de la relation entre l'invention de ce matériau et les formes et décors imaginés par l'artiste ; le vocabulaire stylistique et créatif de Line Vautrin de cette époque étant le fruit de son approche et de sa maîtrise technique du Talosel. L'intérêt marqué de Line Vautrin, artiste intuitive par excellence, pour les sciences occultes induit assurément une nouvelle lecture de son travail du Talosel pour la création de miroirs. En effet, par l'action du feu qu'il nécessite, le procédé de transformation de ce matériau se révèle proche de la transmutation des matières premières en alchimie, connu sous le nom de « Grand OEuvre ». Or, selon l'artiste elle-même, le nom Oforge, qu'elle avait attribué initialement à cette matière, fait référence à la fois au Soleil, symbole de feu, incarné par le « O », et à la forge, synonyme du travail par le feu1 - ce qui ne peut être une coïncidence. De ce processus occulte naîtra alors le miroir, autre symbole alchimique puissant, dont le reflet évoque déjà un certain mysticisme. À la fonction décorative du miroir s'ajoutent d'autres significations. Le miroir, par ses reflets, figure l'illusion du réel, un jeu avec la vérité, et par le monde qu'il nous donne à voir en incarne la porte d'entrée, une réalité divergente naît alors. Aussi, utilisant presque qu'exclusivement des miroirs dit de sorcière, Line Vautrin ne pouvait être étrangère à ces différents sens. Le miroir dit de sorcière lui-même, par sa forme convexe, joue déjà avec le réel - en plus de posséder un nom qui convoque l'occultisme. Également appelé « oeil de sorcière », il incarnait, par sa capacité à faire voir l'intégralité d'une pièce en une seule image, l'oeil omniscient, qui voit tout. Plus encore, par sa réflexion de la lumière, il permettait la démultiplication des points lumineux et donc la création de soleils artificiels. Il n'est dès lors pas anodin que de nombreux miroirs de Line Vautrin, comme ses Soleil à pointe, adoptent la forme caractéristique de cet astre aux significations alchimiques multiples. _ 1 Patrick Mauriès - Line Vautrin, miroirs - Catalogue de l'exposition organisée à la Galerie Chastel-Maréchal, Paris (10 septembre - 10 octobre 2004), Éditions Galerie Chastel-Maréchal, Paris, 2004, p. 15. sel

Adjugé à : 52000 €