Lot 315

Description

[Bagne] [Antoine Cyvock] * 4 lettres manuscrites signées envoyées du bagne de l'île de Nou (timbre et cachets postaux sur la même feuille pour trois d'entre elles, la dernière sous enveloppe (déchirée) en date du 26 mai 1889 « à son bien aimé père », le 17 mars 1891(cachet de la poste) et le 14 juin 1893 adressée à « mes bien aimés », et le 18 janvier 1894 adressée à Monsieur Marcel Sembat (directeur de « La petite République »). La première en 1p in-4 est une longue plainte, un long chagrin suite à la mort de sa mère demandant à son père d'acheter une concession mortuaire sur sa part d'héritage. A noter que Cyrock écrit son identité pénitentiaire (répétée sur les 2 lettres suivantes) « A. Cyrock 15203 1ère classe Ile Nou » Bon état. La seconde de 3 pages sur papier de cahier d'écolier à petits carreaux est un long conseil de conduite morale à son frère afin que ce dernier fraichement libéré de ses obligations militaires puisse s'occuper de son père tout en indiquant à la fin « (…) Plus qu'un conseil, et je ferme cette lettre n'accepte un service que de ton égal-si tu peux lui rendre ; n'accepte jamais l'aumône du riche : on souffre on meurt mais ce qui ne doit pas mourir dans l'homme c'est la fierté. (…) ». Déchirure à une pliure cependant bon exemplaire. La troisième de 3 pages relate après un court descriptif du moment et de l'endroit où il écrit une longue méditation sur son enfance et sur les conseils moraux teintés de catholicisme d'alors prodigués par son père ; Antoine les dénonçant malgré tout au regard de son vécu « (…) nos semblables ce sont nos ennemis. On ne s'élève que sur les ennemis que l'on a terrassés, on ne s'enrichit que des misères que l'on fait autour de soi. Comme la guerre, cette lutte à ses lois et ces lois sont dans le code (…) ne vas pas trop loin dans l'improbité, on te mettrait en prison, ne sois pas trop honnête, on t'y mettrait aussi ». Excellent état. La quatrième est un long article (4 pages découpées en 7 parties) rédigé en vue d'une parution (ici « La petite République ») adressé « Au citoyen Marcel Sembat directeur de la « Petite République française ». Après une courte introduction il écrit un long plaidoyer sur ses opinions et convictions profondes « Compagnons. Mes principes sont toujours les mêmes, mon but est toujours le vôtre dans la souffrance mon attachement à la cause n'a fait que grandir, et la conviction seule qu'elle se trouve aujourd'hui en péril me fait sortir d'un silence qui a duré dix ans » …appelant à cesser toutes violences « (…). Arrachez-vous à cette expérience de surexcitation qui vous empêche d'avoir une vision nette du but ou vous courez (…) et comprenez enfin que ce n'est pas par des violences (…) que l'on prépare les révolutions mais en prenant les cœurs, en s'emparant des esprits » … et plus loin « Dites-vous bien d'ailleurs que le dernier des bourgeois fût-il mort demain, les choses n'en seraient pas plus avancées car vous auriez encore contre vous des millions de travailleurs qu'il faudrait convertir à vos principes (…) ». Dénonçant avec force l'oppression exercée par la bourgeoisie sur les ouvriers « (…) alors que vous créateurs de ces jouissances et de ce luxe vous n'êtes jamais assurés en travaillant 12 et 14 heures par jour de na pas mourir de faim (…) je pense que ces gens-là [les bourgeois] ne sont pas nos frères, que ces monstres d'égoïsme ne sont pas des hommes, que ces maitres impitoyables qui jouissent doucement de ce qui vous fait lentement mourir ne sont que des bêtes malfaisantes (…) ». S'ensuit une seconde lettre (courte) adressée « A Monsieur le président de la république Française » « Veuillez ne rien voir dans ma conduite qui me rende digne d'une mesure gracieuse. En agissant ainsi que je le fais, je cède à la voix de ma conscience, je remplis un devoir. (…) Si je sors ce sera le front haut ou jamais ». Concluant sur une formule de politesse. Inscriptions bleues en marge (bon à tirer ?) ; petites déchirures à certains plis néanmoins excellente condition. *Antoine Cyvock (1861-1930) militant anarchiste lyonnais soupçonné d'être impliqué (à tort) dans un attentat anarchiste perpétré le 22 octobre 1882 au restaurant du théâtre Bellecourt et à un bureau de recrutement de l'armée. Jugé, condamné à mort sa peine sera commuée en 1884 en travaux forcés à perpétuité. Gracié en 1898 suite à une campagne d'opinion, Il passera 14 ans de sa vie au bagne en Nouvelle Calédonie (île de Nou pour Nouméa). Expertise réalisée par Monsieur Pascal GUILLEBAUD.

Estimation : 150 - 250 €