[Jean Jaurès] « Désarroi ministériel ». Discours manuscrit signé non daté (par recoupements…de 1898) intitulé « Désarroi ministériel ; 17 feuillets in-4 (rectos seuls manuscrits). Calligraphie nerveuse souvent difficile à déchiffrer ; des ratures et corrections. Jaurès interpelle vigoureusement Henri Brisson le critiquant sur son immobilisme, son manque de clarté et de vigueur concernant l'affaire Dreyfus. (Dans le cas de l'affaire Dreyfus) Jaurès fustige le silence ou pire l'immobilisme de certains en visant ici plus particulièrement M. Brisson* « A qui entendra M. Brisson ? D'abord s'il veut se renseigner auprès des conseils généraux, cela ne lui servira guère (…) on sent que la plupart des assemblées départementales se réservent. Elles ne savent que dire de la politique ministérielle (…) la grande et douloureuse affaire qui passionne le moral, l'inquiétude et le doute commencent à se répandre ainsi les hommes politiques des départements pensent-ils dans l'ensemble plus sage de se taire : ou s'ils de décident à parler ce sera du bout des lèvres pour ne pas se compromettre ouvertement (…) » puis s'en prend à l'action des réactionnaires et radicaux nationalistes citant Déroulède, Rochefort et leur relais « Le Nouvelliste de Bordeaux » [qui] considère comme imprudent et même comme sacrilège de toucher à Esterhazy dénonçant dans un article de fond du 24 aout « (…) que le renvoi d'Esterhazy devant un conseil d'enquête et une lourde faute (…) » …rajoutant « (…) Dans le drame présent qui se déroule cet officier joue un rôle si important que s'il succombe aux attaques des dreyfusards tous les officiers d'état-major seront atteints en sa personne. Il faut donc quels que soit ses torts, le traiter en personnage ??? et sacré ! La raison d'état le veut ainsi donc pas de faiblesses pas de défaillances. Dans l'intérêt supérieur de la défense national il est nécessaire qu'on ne touche pas à Esterhazy quels que puissent être ses torts. » dénonçant l'immobilisme de beaucoup et l'impuissance à faire bouger les choses ; Jaurès écrit « (…) En réalité il est temps d'agir. Oui mais que faire ? recourir à un petit coup d'état et déporter sans jugements les imposteurs qui savent la vérité et qui la disent ? (…) interpellant le manque de courage de Brisson « (…) [celui-ci] veut bien ignorer si oui ou non un homme a été jugé en dehors de toute forme légale. Il veut bien livrer à la servilité des juges civils, à la haine des juges militaires le soldat qui a commis le crime de dénoncer la trahison d'Esterhazy (…). Mais il veut encore jusqu'en cette déchéance suprême sauver quelques apparences et ce serait cruel de l'acculer à la brutalité évidente d'un coup d'état ; se déshonorer en plein jour quelle disgrâce ! Qu'on épargne le calice à la vertu républicaine de Mr Brisson. ». Jaurès après avoir évoqué s'il ne faudrait pas faire le procès de la presse [dreyfusarde] ou « (…) Demander une modification de la loi sur la presse de papa (…) ou un jugement « en correctionnel et à huit clos » Jaurès continue sa longue dénonciation d'une duplicité entre Buisson et les milieux antidreyfusards « (…) le ministère Brisson est aussi lié à la droite que l'était le ministère Méline » concluant « (…) ou plutôt comme toutes les forces du passé sont solidaires le ministère Brisson continue exactement la trahison du ministère Meline ! lui demander une politique réformatrice et des actes républicains et donc une plaisanterie de mauvais gout ». Aussi le ministère ne pourra suivre ni les conseils d'extrême (???) rétrogrades ni les appels aux réformes et il se décomposera misérablement, après une période de réaction hypocrite, sans prudence mais sans audace. Jaurès ». Excellent état. *Henri Brisson (1835-1912) : Homme politique, président du conseil en 1885 puis de juin à octobre 1898 succède à Jules Méline antidreyfusard notoire ; accepta par la suite une révision du procès Dreyfus. **Jules Méline (1838-1925) président du conseil d'avril 1896 à juin 1898 ; lance devant les parlementaires le 4 décembre 1897 lui demandant la révision du procès (dans le cadre de l'affaire Dreyfus) : « Il n'y a pas d'affaire Dreyfus. Il n'y a pas en ce moment, il ne peut y avoir d'affaire Dreyfus » …un mois plus tard Zola publie « J'accuse ». Expertise réalisée par Monsieur Pascal GUILLEBAUD.
Estimation : 1000 - 2000 €