Lot 335

Description

[Jean Jaurès] [Affaire Dreyfus] « Fait nouveau ». Article (épreuves manuscrites) signé intitulé « Fait nouveau » * destiné à la publication ; 25 feuillets in-4 (rectos seuls manuscrits ; certains coupés pour les besoins de l'imprimeur). Calligraphie nerveuse quelquefois très difficile à déchiffrer ; des ratures et corrections. Bon à tirer et instructions au crayon bleu. Jaurès continue son combat afin de réhabiliter Dreyfus publiant ce long article vraisemblablement en 1899 suite au procès de Rennes certainement dans « La petite République ». * Jaurès insiste dans sa préface de « les Preuves » sur la nécessité qu'un « fait nouveau » au sens juridique stricte soit un fait reconnu pour permettre la révision d'un procès (ici de Dreyfus). Jaurès révèle : « La publication de la lettre adressée à Mr Joseph Reinach par Mr de Münster est dans la marche de l'affaire Dreyfus un évènement capital. Ce témoignage décisif et postérieur au procès de Rennes est un fait nouveau qui suffit à briser les décisions iniques et absurdes de la justice militaire et à justifier la révision » accusant : (…) c'est lui Esterhazy qui est l'auteur de la trahison et l'auteur du bordereau, enfin qu'Esterhazy épouvanté en 1897 par la découverte de son écriture par l'enquête de Picquart (…) a essayé d'arracher à Schwartzkoppen qui l'a jeté à la porte un faux témoignage. (…) C'est la démonstration irréfutable universelle et juridiquement nouvelle de la trahison d'Esterhazy de l'innocence de Dreyfus ». Jaurès ensuite rappelle que l'Allemagne « (…) a affirmé officiellement qu'elle ne connaissait pas Dreyfus » affirmation démontée par Jaurès qui conclut ce passage par « (…) Mais il parait qu'en la matière les paroles d'honneur qu'un gouvernement donne à un gouvernement ne compte pas » rajoutant « (…) il [ un gouvernement] se doit de ne pas livrer lui-même les espions dont il s'est servi (…) il a fallu que l'ambassadeur d'Allemagne dérogeât à cette règle à l'égard d'Esterhazy, que la monstrueuse l'impunité de celui-ci fut achevée par le supplice moral d'un innocent. ». Münster et le comte de Tornielli (ambassadeur d'Allemagne et d'Italie à Paris) expliquant « (…) qu'ils leur paraissent contraire à la conscience et contraire à l'honneur de l'armée de frapper un innocent pour le crime d'Esterhazy que leurs attachés militaires avaient employés » et que s'ils continuaient à nier « (…) les deux ambassadeurs auraient été, en quelques sortes complices de l'erreur et du crime, voilà pourquoi ils parlaient ». Jaurès dans un long plaidoyer dénonce l'attitude des états sacrifiant un innocent pour protéger un ou des coupables et par la même incriminant les ambassadeurs qui dans un premier temps ont appliqué à la lettre leurs propres consignes gouvernementales respectives continuant son exposé ; il écrit « (…) Il n'en reste établi à jamais que la lettre de Mr de Münster est l'expression de la vérité, elle ruine d'un coup, et par un témoignage décisif le procès de 1894 condamnant Dreyfus la sentence de 1897 acquittant Esterhazy et ce triste procès de Rennes (…) il démontre par un témoignage irrécusable et qui, se produisant après le procès de Rennes à la valeur juridique d'un fait nouveau qu'Esterhazy était en 1893 et 1894 l'espion au service de Schwartz Koppen »…l'accusant d'être l'auteur du bordereau, d' avoir essayé de faire chanter Schwartzkoppen et de faire un chantage au suicide (entre autre). Il est à noter que Jaurès prend ici le temps de raconter dans les moindres détails et sur plusieurs pages les aveux d'Esterhazy face à Schwartzkoppen l'implorant de le protéger. Puis Jaurès ajoute « (…) le chantage qui n'avait pas réussi sur Schwartzkoppen a réussi sur Félix Faure. Et malgré la cour de cassation, malgré l'évidence, malgré la vérité certaine le conseil de guerre a fait pour Esterhazy ce que Esterhazy demandait (…) ». Dans la dernière partie de cet important article Jaurès expose encore longuement la crédibilité de ce « fait nouveau » écrivant « (…) se représenter un ambassadeur comme un ennemi serait un signe des temps barbares. Il y aura de la noblesse et grandeur morale pour la France à reconnaitre la noblesse et la grandeur morale des représentants de l'Allemagne et de l'Italie cherchant à travers les officiels du protocole et les nécessaires réserves de la diplomatie à épargner à notre pays une erreur déplorable. » et citant les noms de Picquart, Scheurer et Zola « (…) Sur le témoignage de Mr de Munster la cour de cassation mettra le sceau de la France ». Dans la dernière partie Jaurès grand tribun s'enflamme rappelant entre autres quelques grandes idées socialistes de l'époque « (…) la lutte pour la laïcité rationnelle et la lutte pour la vérité sont indivisibles. Le gouvernement comprendra qu'il est de son honneur et de sa force de chercher et de dire le vrai (…) et de conclure « Je me borne à dire aujourd'hui que les vérités qui se dégagent de l'enquête spontanée rende l'enquête administrative à la fois plus facile et plus nécessaire (…) les points se précisent sur lesquels le gouvernement dans la limite de ses attributions politiques devra faire la lumière. Jean Jaurès ». Bel exemplaire. Bel exemplaire. Expertise réalisée par Monsieur Pascal GUILLEBAUD.

Estimation : 2000 - 3000 €